Raphaël Lorand : Entre rêve et réalité, une photographie à la lisière du mystère

Plonger dans l’univers de Raphaël Lorand, c’est traverser un monde où la lumière flirte avec les ténèbres, où chaque image semble extraite d’un rêve ou d’un cauchemar. Inspiré par la littérature, le cinéma et la mythologie, le photographe construit des récits visuels énigmatiques, où l’émotion et l’imaginaire priment sur la simple représentation du réel. Dans cette interview écrite, il revient sur son parcours, son processus créatif et sa vision de la photographie contemporaine à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle.
Retrouvez son travail sur Instagram : https://www.instagram.com/raphael.lorand/
Pouvez-vous nous parler de votre parcours artistique ? Comment en êtes-vous venu à la photographie ?
J’ai un lointain souvenir d’enfance alors qu’en famille nous nous approchions de notre destination de vacances nous fîmes une halte dans une librairie à Foix et je fus attiré par un livre des oeuvres de Jérome Bosch et ce fut certainement le principal déclencheur de ma fascination pour l’art. Plus tard, la photographie s’est imposée à l’adolescence comme le médium le plus adéquat. J’ai commencé des mises
en scènes en intérieur résonant avec l’oeuvre de Francis Bacon.

Votre travail est fortement influencé par le cinéma et la littérature. Quels auteurs et réalisateurs vous ont le plus marqué ?
Je vous citerais Edgar Allan Poe, Philip K Dick, Cormac Mc Carthy, Joseph Conrad, Fiodor Dostoïevski, Ernesto Sabato, James G Ballard et Maurice G Dantec.
Pour les réalisateurs, Buster Keaton , Jacques Tati, David Lynch, David Cronenberg, Sam Peckinpah, Stanley Kubrick et Terrence Malick.

Vous évoquez le fait de « chasser la lumière dans les ténèbres » et de travailler autour du rêve et du cauchemar. Comment traduisez-vous cette quête dans vos images ?
J’essaye de photographier des rêves et des cauchemars et de créer un univers et une atmosphère énigmatiques voire mystérieuses.
Nous accédons dans le monde du rêve à une dimension intermédiaire entre la vie et la mort. C’est un espace-temps relié à notre conscience supérieure.
Chaque nuit est une nouvelle exploration, quand je crée une image, j’essaye de retranscrire cet état.
La mythologie et l’anticipation sont au coeur de votre travail. Cherchez-vous avant tout à raconter une histoire ou à susciter une émotion ?
Ce sont certainement des histoires avec de faux raccords qui laissent des respirations entre chaque image. Je pense désormais vouloir présenter mes photographies sous forme de diaporama accompagnées
d’une bande son.

Vous avez participé à des installations photographiques et collaboré avec d’autres artistes. Quel rôle joue le collectif dans votre processus créatif ?
Ce projet – « Audastride me fait bander »présenté sous la culée du pont Alexandre 3 à Paris nécessitait une collaboration puisqu’il consistait à impressionner un film argentique avec un opérateur situé dans un pays étranger et le réimpressioner en France. Nous avions trouvé un laboratoire qui nous permettait de tirer le film 135 en bande et de le présenter tel quel. Nous cherchions à provoquer le hasard et les accidents induits par ce procédé de superposition. L’idée de film cinéma se déroulant ou coexistaient dans des espace-temps différents le point de vue de chaque opérateur fut le leitmotiv de ce collectif.
Quant à votre seconde question, j’envisage mes mises en scène en travaillant avec des modèles rencontrés dans mon cercle amical qui apportent leurs idées. Ce sont des personnages acteurs.
Certaines de vos oeuvres évoquent un monde postapocalyptique. Y a-t-il une dimension engagée ou critique dans votre travail ?
Je crains que nous vivions une époque de révélations dont je suis seulement un témoin. La réalité a dépassé la Science Fiction : des chiens héritent de l’appartement de leurs maîtres, un japonais se marie avec un robot…

Quel est votre processus de création ? Partez-vous d’une idée précise ou laissez-vous place à
l’improvisation ?
Parfois je fais des croquis ou je prends des notes. Je fais parfois un travail de repérages sur les lieux qui répondent à mes attentes. Mais quoi qu’il en soit je laisse toujours une part aux anges.
Comment percevez-vous l’évolution de la photographie contemporaine avec l’essor du numérique et de l’intelligence artificielle ?
Nous avons perdu une forme de magie et « Blow up » d’Antonioni repose sur ce mystère de ce qui faisait l’essence de la photographie argentique: la révélation, cependant le numérique ouvre sur des perspectives assez folles.
J’ai oublié le nom de cette artiste d’Europe de l’Est qui à partir d’images fixes réalisent des animations incroyables en s’appuyant je pense sur l’IA.
Si nous considérons que la photographie est d’essence policière alors le cyborg incarné par Schwarzenegger doté d’une rétine aux capacités d’analyse sophistiquée en est la parfaite illustration avec cerise sur le gâteau: un programme pour détruire; toutefois, il ne possède pas de conscience, ce n’est qu’un outil.
La technique sans esprit ne vaut rien, elle n’est qu’assujetissement, dans « Hommes et engrenages » Ernesto Sabato , répond à cette problématique.
Avez-vous un projet en cours ou à venir que vous souhaiteriez partager avec nous ?
Je vais poursuivre la réalisation d’une série intitulée: « laissons éclore une secrète étoile » et curieusement dans la forme quelque chose de brutal se dégage qui s’apparente aux photographies de Weegee. Ce sont des personnages dans la nuit perdus qui tremblent.
Quel conseil donneriez-vous à un artiste souhaitant développer un univers singulier comme le vôtre ?
Je ne suis que débutant, seuls les 8ème Dan de la photographie sont à même de conseiller.

À travers son regard singulier, Raphaël Lorand explore les frontières de l’invisible et nous invite à une expérience immersive où chaque image est une énigme. Entre influences cinématographiques, fascination pour le rêve et regard critique sur notre époque, il façonne une œuvre riche et intrigante. Alors qu’il poursuit sa série « Laissons éclore une secrète étoile », son travail nous rappelle que la photographie est avant tout une quête de sens et d’émotion.
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